Dancing in Esperanzah

Il y a des moments dans la vie où on est conscient de vivre quelque chose d’important. On ne sait pas encore quel impact cela aura mais, on sait déjà qu’on ne l’oubliera jamais.

Pour moi, un de ces instants s’est produit la semaine  passée, à Esperanzah.

C’était la deuxième fois que je me rendais à ce Festival de musique à la Citadelle de Floreffe, en Wallonie. J’aime beaucoup aller en festival même si je ne le fais pas souvent. J’aime cette ambiance, la musique en fond continu, la joie de vivre sur le visage des gens, cette impression que les artistes sont proches de nous, les efforts de décoration, les petites boutiques d’artisans, les différents styles vestimentaires…

Nous arrivons à la Citadelle vers 14h30-15h. La chance du débutant ou du cocu (vous choisissez) nous sourit, nous trouvons une place de parking très rapidement. Après, c’est simple, il suffit de suivre le flux de monde ou les flèches qui indiquent le chemin vers le festival.

Une fois le portique passé et le bracelet accroché au poignet, nous pénétrons dans l’enceinte. Nous sommes dimanche, le troisième et dernier jour et très vite on a l’impression d’être les plus frais, ou les plus propre. Mais, tout le monde semble heureux. L’alcool et la drogue aidant, sûrement.

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On fait un premier tour pour prendre nos marques, acheter des tickets boissons, se rendre compte du coût et criser un peu. On se repère à l’aide du plan, comme de vrais débutants. Une bière pour se fondre dans l’ambiance, une deuxième, une tresse de « hippie » dans les cheveux pour vivre le festival à fond et se rendre compte de ces choses que l’on fait pour se sentir légitimes. On se laisse transporter à cette joie, nous aussi on est heureux.

On rejoint des amis, avant le concert, au jardin suspendu, qui n’est qu’une pelouse-surélevée-à-côté-de-la-scène-principale-où-tu-peux-boire-une-bière-et-fumer-un-joint-tranquille mais, le terme était moins joli.

Il est 18h30 et le concert de Patti Smith ne va plus tarder. On prend place, l’excitation augmente. On énumère les chansons qu’on aimerait qu’elle interprète, et s’échange des anecdotes sur sa vie, à qui la connait le mieux ?

19h00, Patti Smith entre en scène. Elle est belle, classe, sobre, élégante et tellement rock. Androgyne, elle porte un ensemble pantalon-veste noir et une simple chemise blanche. Ses longs cheveux gris argent tombent de chaque côté de son visage.

Une envie de se taire et de l’écouter. Elle commence par réciter un poème d’Allen GINSBERG. Déjà que tout le  public ne situait pas Patti Smith, la voilà qui lit un texte d’un homme de la Beat Generation et tout le monde l’écoute.

Holy! Holy! Holy! Holy! Holy! Holy! Holy! Holy! Holy! Holy! Holy! Holy! Holy! Holy! Holy!
The world is holy! The soul is holy! The skin is holy! The nose is holy! The tongue and cock and hand and asshole holy!
Everything is holy! Everybody’s holy! Everywhere is holy! Everyday is in eternity! Everyman’s an angel!
The bum’s as holy as the seraphim! The madman is holy as you my soul are holy!
The typewriter is holy the poem is holy the voice is holy the hearers are holy the ecstasy is holy!
Holy Peter holy Allen holy Solomon holy Lucien holy Kerouac holy Huncke holy Burroughs holy Cassady holy the unknown buggered and suffering beggars holy the hideous human angels!
Holy my mother in the insane asylum! Holy the cocks of the grandfathers of Kansas!
Holy the groaning saxophone! Holy the bop apocalypse! Holy the jazzbands marijuana hipsters peace peyote pipes & drums!
Holy the solitudes of skyscrapers and pavements! Holy the cafeterias filled with the millions! Holy the mysterious rivers of tears under the streets! 
Holy the lone juggernaut! Holy the vast lamb of the middleclass! Holy the crazy shepherds of rebellion! Who digs Los Angeles IS Los Angeles!
Holy New York Holy San Francisco Holy Peoria & Seattle Holy Paris Holy Tangiers Holy Moscow Holy Istanbul!
Holy time in eternity holy eternity in time holy the clocks in space holy the fourth dimension holy the fifth International holy the Angel in Moloch! 
Holy the sea holy the desert holy the railroad holy the locomotive holy the visions holy the hallucinations holy the miracles holy the eyeball holy the abyss! 
Holy forgiveness! Mercy! Charity! Faith! Holy! Ours! Bodies! Suffering! Magnanimity!
Holy the supernatural extra brilliant intelligent kindness of the soul! 

GINSBERG, Allen. Berkeley, 1955.

Pendant une heure et quart, elle donnera le meilleure d’elle, au-delà de ce que nous espérions. Sa voix et son énergie nous transporte. Elle transmet un message humanitaire aux jeunes générations. L’art étant une arme face à ce monde à la dérive. C’est ensemble qu’il faut agir et se libérer.

Il y aura un avant et après ce concert. Je ne sais pas comment l’expliquer mais, elle m’a inspirée. Elle m’a transmise sa sérénité. Bouleversée, elle a laissé une trace, sa trace. Un peu de grâce, j’espère, et une envie folle de me bouger le cul.

Nous sortons de l’émotion appelés par nos estomacs, beaucoup moins enclins à se laisser envahir par cette effervescence artistique, et nous nous dirigeons vers les stands de nourriture. On choisit des hamburgers revisités. Pas déçus, ils étaient bons, vraiment délicieux en fait.

On se remet de l’après-Patti-Smith, on reprend des tickets boissons et on se dirige, à nouveau, vers la scène pour écouter Saint-Germain, un artiste électro. Nous ne le connaissions pas, ou juste de nom. L’idée de l’album est bonne, il a fait appel à des musiciens africains. Ce qui donne un mélange intéressant et entraînant. Malheureusement, le live n’apporte pas une dimension supplémentaire et on repart assez vite.

Nous nous dirigeons vers le cœur de la fête, le milieu de la danse. En plein cœur du quartier Baz-Art, radio-bistrot fait danser l’assemblée sur des sons d’autrefois. Du rockabilly aux classiques des années 90, il y a de tout. Nous sommes plongés dans la nostalgie des sons du passé. Juste ce qu’il fallait avant d’assister au concert de Dub Inc, un groupe de reggae. On se revoit à 16 ans, plus ou moins, fumant nos premiers joints, plus ou moins. Ils ont fait du chemin depuis le temps, on ne connaît plus les chansons. Mais, ils font le show, et on joue le jeu. Tout le monde danse et chante. Rudeboy dans les oreilles et on oublie l’heure qu’il est. On ne doit pas rentrer, ni travailler le lendemain. On a de nouveau 16 ans et tout est possible, au moins le temps d’une chanson.

 

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